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.« J’ai une heure environ.Si nous allions du côté du parc de Gaien ? » me proposa-t-elle, et pendant que nous marchions ensemble, elle continua : « Ce matin j’ai classé mes lettres.Les tiennes, je les ai toutes brûlées ! Dans trois jours, tout sera en ordre.Tu es toujours d’accord ? »Tsuyuko semblait à présent persuadée que j’étais moi aussi décidé à mourir.Elle le croyait vraiment, je ne pouvais en douter.Il faisait froid ce matin-là , et à part nous il n’y avait aucun promeneur.Le soleil, passant entre les arbres clairsemés, jetait ses rayons pâles sur l’allée.Comme je contemplais vaguement le mouvement lent des pieds gracieux de Tsuyuko, qui portait des tabis{7} blanches, je fus saisi d’un sentiment de solitude qui me glaça.« Tu en es vraiment sûr ? Je ne sais pas pourquoi, je suis inquiète… Une fois que j’aurai quitté la maison, je ne veux plus y retourner, quoi qu’il arrive ! Je t’assure, je ne veux pas ! J’ai l’intention de m’en aller pour toujours, alors quand je pense que toi, Jôji, tu pourrais changer d’avis, cela me fait peur ! Vivre, à quoi bon ? De toute façon, je sais très bien que nous ne pourrons jamais vivre ensemble ! Mais je sens que finalement je vais mourir seule… Et mourir seule, cela, je ne veux pas !— Rassure-toi.Je t’accompagnerai avec joie dans la mort ! »Une légere rougeur afflua au visage blême de Tsuyuko.« Alors, tu as pensé aussi a cela ? »J’acquiesçai d’un signe de tête.Tsuyuko se préoccupait depuis longtemps de la façon dont nous allions nous tuer.Elle ne cessait de répéter : « Que ma mort, au moins, soit une belle mort ! Je ne veux pas laisser derrière moi un corps répugnant ! »L’image du bistouri que le père de Tomoko m’avait confisqué passa alors devant mes yeux.C’est cela qu’il nous faut ! À cette pensée, un frisson de plaisir courut le long de mon dos.Qu’il était agréable de se dire qu’on pouvait mourir si simplement, avec autant d’insouciance !« Tu m’as bien dit le seize ? » Nous nous arrêtâmes devant la gare de Sendagaya.« Viens me chercher le matin, à dix heures précises, à Shibuya ! » Sur ces mots, Tsuyuko franchit l’accès aux quais.Dès qu’elle eut disparu, je partis de mon côté, à grandes enjambées, sans me retourner.Il me restait trois jours jusqu’au rendez-vous.À peine rentré chez moi, j’entrepris de ranger soigneusement toutes mes affaires.À mesure que je m’appliquais à cette tâche, qui demanda toute une journée, je finis par oublier que je mettais ainsi de l’ordre avant de quitter définitivement la vie, et je me mis à procéder de façon presque mécanique, passant d’une chose à l’autre avec l’efficacité de quelqu’un qui s’active à un grand ménage.Tant que je m’y étais accroché, ma vie était si enchevêtrée, si confuse que je ne savais jamais par quel bout la prendre.Mais maintenant que j’étais disposé à mourir, avec quelle vitesse, avec quelle légèreté j’étais parvenu à tout régler ! Je me faisais l’effet d’un gérant redoutablement efficace, capable de se sortir avec brio de cette inextricable situation de faillite.Une fois mon bureau parfaitement rangé, je tirai la table près de la fenêtre ensoleillée, et pris un stylo.Sans savoir vraiment à qui le destiner, j’avais vaguement envie d’écrire une sorte de testament.Peut-être était-ce plutôt à moi-même que je voulais m’adresser ? Dans le silence de la maison, on n’entendait que le bruit de la plume.« Le travail avance bien, on dirait ! » me lança par la fenêtre le vieux propriétaire de la maison, tout en jardinant.« Vous écrivez un roman ou quoi ?— Oui, c’est cela », lui répondis-je.Le surlendemain matin, je partis rendre visite à certains de mes amis à qui j’étais redevable, afin de les voir une dernière fois.Portant quelques tableaux, je me rendis d’abord chez le propriétaire de la librairie de Kôjimachi qui était financièrement mon seul soutien à l’époque.La veille, en rangeant mon atelier, j’avais détruit toutes les œuvres qui ne me plaisaient pas, n’en laissant que quelques-unes parmi lesquelles j’avais choisi ces toiles.L’une d’entre elles représentait un jeune soldat de type méditerranéen, penché vers l’avant, en train d’enrouler ses bandes molletières.C’est le genre de tableaux que je ne pourrais sans doute plus peindre à présent.Je n’avais envie de les donner à personne, préférant, si c’était possible, les regrouper avec d’autres œuvres liées pour moi à des souvenirs personnels, et qui étaient déjà en dépôt chez ce collectionneur.« Qu’est-ce qui se passe ? Vous avez vraiment mauvaise mine ! » s’exclama cet homme anxieux, dès qu’il me vit.— À vrai dire, je compte prendre le bateau après-demain pour repartir à l’étranger
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